vendredi 11 août 2017

AOÛT 2017

Pratique de l'indulgence

L’esprit de dureté porte à juger sévèrement le prochain et à le condamner impitoyablement. Sentence conforme peut-être à la vérité et à la justice, mais qui franchement manque de mansuétude. Les moindres faux-pas sont relevés et soulignés avec aigreur. Devant les défauts corporels, les déficiences intellectuelles, les fautes morales, la critique s’exerce, acerbe jusqu’à la cruauté. Si encore ces redresseurs de torts et incorruptibles justiciers voulaient bien admettre certaines excuses et reconnaître quelques circonstances atténuantes ! Loin d’exciter la pitié, la misère d’autrui ne fait chez eux que provoquer l’irritation et le mépris.

Au lieu de voiler certaines plaies douloureuses ou honteuses, il semblerait qu’on se fait un malin plaisir de les mettre à nu et de les débrider.

Partout il se rencontre des tempéraments difficiles, ombrageux, susceptibles, des caractères acariâtres, grossiers, exigeants. Beaucoup s’en plaignent amèrement, sans aménité. Quant à la miséricorde, elle se contente de les plaindre gentiment de les supporter. Portare onerosos et graves.

A cette dureté de pensée, de parole et d’attitude à l’égard de la masse incroyante, communisante, païenne, ne serions-nous pas facilement exposés, nous les privilégiés de la grâce : catholiques, religieux, prêtres ?

Les englobant tous dans un jugement sommaire et sans appel, nous les taxons volontiers de mauvaise foi, de secta­risme, d’impiété, alors que beaucoup d’entre eux ne sont que de pauvres égarés, que la misère a aigris et que l’infor­tune a révoltés. Nés comme eux de parents, parfois indignes et tarés, élevés sans foi ni moralité, jetés sans défense dans une société corrompue, que serions-nous devenus nous-mêmes ? Intransigeants quand il s’agit des droits de la vérité, ne pourrions-nous user de miséricorde vis-à-vis des personnes, dont beaucoup sont plus dignes de pitié que d’exécration. Au demeurant, qu’avons-nous fait pour les éclairer et les ramener au bercail ?

« Commencer, selon le conseil de Pascal, par plaindre les incrédules ; ils sont assez malheureux par leur condition. Il ne les faudrait injurier qu’en cas que cela servit, mais cela leur nuit. » « Vous qui êtes dans l’Église, n’insultez point ceux qui sont au dehors, mais priez plutôt, afin qu’ils viennent vous y rejoindre1. »

Facilement, si on n’y veille, l’esprit de dureté dégénère en aversion, laquelle se traduit dans l’attitude et toute la conduite. Alors que la charité rapproche, unit et que la miséricorde s’incline et s’épanche, l’esprit d’aversion éloigne, sépare, ferme le cœur et le durcit. Il fait prendre en grippe les frères disgraciés ou coupables. On ne peut plus les voir, dit-on, tellement ils sont insociables ou rebutants. On va donc éviter leur présence, fuir leur compagnie et se réserver de les aimer à distance.

Mais alors, de quel œil et avec quelle tristesse, verront-ils cette « excommunication », tous ses malheureux, qui bien souvent, conscients de leurs déficiences et misères, sont les premiers à en souffrir ? Seraient-ils donc des lépreux à tenir à l’écart de la société ? De tels sentiments d’aversion, si on n’y veille, ne peuvent conduire qu’à la malveillance et à la haine.

A cet esprit d’indifférence, de dureté, d’aversion, la jeunesse est plus particulièrement exposée. C’est que l’exercice de la miséricorde exige, avec pas mal de sagesse et de lumières sur la misère humaine, une certaine expérience de la souffrance et de la vie.

Pour s’apitoyer, il faut avoir soi-même souffert. Qui a expérimenté combien il est doux et consolant de rencontrer sur son chemin une âme bonne qui, prenant part à nos peines, nous encourage, nous relève, celui-là sera porté lui aussi à rendre à l’occasion le même service de charité.

« On a le cœur ouvert à la pitié, dit Aristote, quand on se croit exposé à souffrir, quand on est vieux, parce que l’âge nous a appris à réfléchir sur les choses et nous a donné une rude expérience, quand on est éclairé parce qu’alors on voit juste. »

Toutes qualités assez rares chez les jeunes et dont l’absence leur vaut parfois la réputation d’être sans cœur et sans pitié.

Et ne serait-ce point pour ce motif encore que certains confessionnaux sont si achalandés ? On y rencontre quelque bon vieux père qui en a tant entendu, qui a tant pardonné et qui sait bien, peut-être un peu aussi par expérience personnelle, ce que c’est que la pauvre humanité !

R.P. Colin (Aimons nos frères, p 365-367)
 
Sur ce même sujet, nous ne pouvons que vous recommander ce sermon de M. l'abbé Salenave
 

 Résolution

Chaque soir, examinons-nous sur notre manière de considérer ou de parler des pécheurs (ou de ceux que nous considérons comme tels) ...